Accueil > Yonne > A la Une dans l’Yonne > Auto-évaluation et audit : une vieille arnaque qui reprend de la vigueur

Cette année, déjà pas comme les autres, est marquée par un programme d’auto-évaluation et d’audit mené dans différents établissements de l’académie et donc de l’Yonne. Cinq collèges de notre département ont donc été « désignés volontaires » pour être évalués cette année : Brienon, Les Chaumes (Avallon), Pont sur Yonne, Prévert (Migennes) et Paul Bert (Auxerre). Quelle idée de pratiquer ce genre d’évaluation une année comme celle-ci ? Ce calendrier est incroyable et montre une fois de plus le décalage entre le terrain et les décisions venues d’en haut…

Et puis, quel est l’objectif de telles évaluations/audits ? Personne n’est réellement capable de donner une réponse claire. En conseil d’administration ou pédagogique, les silences gênés succèdent aux « mais si, c’est pour euh, mais enfin, un regard extérieur, on va nous donner des conseils, on va pouvoir mettre en valeur nos projets, euh, si ça va être très utile pour nous ! » Que penser de tout cela alors ? Les dotations de fonctionnement sont en forte baisse, notamment les moyens pédagogiques donnés par les rectorats, impactant les projets et actions en tout genre. En raison de la politique de l’éducation nationale depuis des années, il n’est pas absurde de s’inquiéter que certains moyens seraient donnés (ou non) en fonction de ces audits. Cette logique de compétition et d’autopromotion est dangereuse et la FSU est absolument opposée à ce genre de pratiques mortifères. D’autant que nous l’avons vu avec le calendrier, quels projets vont pouvoir aboutir cette année à cause de la crise sanitaire ? Non décidément, cette façon de faire est scandaleusement injuste.

Cela poursuit une logique libérale des services publics empruntés au néo-management. Exercer une pression constante sur les équipes et les pousser à s’auto évaluer. Car on le sait bien, quand ça ne marche pas, c’est un problème d’organisation et non de moyens… Le but poursuivi par l’auto-évaluation est de rendre les équipes responsables des problèmes. « Vous n’arrivez pas à raccrocher les décrocheurs ? Vous vous plaignez que l’accès à la culture soit difficile dans l’Yonne ? Vos élèves n’ont pas le niveau en mathématiques ? On a la solution, remplissez ce questionnaire, dites-nous ce que vous faites mal et on va mettre en place un numéro vert ou mieux, un Grenelle de l’éducation  ». Ils ont individualisé les carrières à outrance, notamment avec la fin des commissions paritaires. Ils cherchent maintenant à casser le cadre national de l’Education avec des moyens et des recettes spécifiques à chaque établissement. Mais, le but ne serait pas de coller à la réalité du terrain mais de chercher des arguments pour faire encore plus d’économies sur le dos des élèves et des personnels puis en faisant porter le chapeau aux acteurs de terrain en disant qu’ils font mal : le cynisme absolu du néo-libéralisme.

Les questionnaires envoyés aux parents posent certaines questions également. Le problème n’est pas de demander leur sentiment aux parents. Cela nous paraît évidemment indispensable, ils sont nécessaires à la réussite des établissements. Mais n’existe-t-il pas des institutions ou des élus ? Ainsi, cela pourrait éviter le risque des règlements de compte ? En effet, les questions posées dans cette évaluation sont largement tendancieuses et mordent sur notre pédagogie. De plus, elles sont personnalisées à outrance : « mon enfant a-t-il bénéficié… ?, est-ce que c’est bien pour mon enfant ?  » Ce n’est pas du tout notre conception du dialogue nécessaire avec les parents.

Alors que faire face à un jugement dont les finalités ne sont pas connues, face à cette individualisation et cette infantilisation ? Sur le terrain, les collègues des établissements évalués cette année se sont posé ces questions :

Le collège des Chaumes a contacté le bureau départemental FSU-SNES 89 pour exprimer ses inquiétudes et sa volonté de refuser de recevoir les évaluateurs dans leur classe face aux nouvelles suppressions de postes qui leur étaient annoncé dans le même temps. Des heures d’informations syndicales dans les établissements concernés ont fait remonter les inquiétudes : les collègues s’interrogent sur la finalité et les modalités de ces évaluations. Aucun temps dédié, aucune compensation pour l’investissement en plus pour un objectif opaque.

Le collège de Brienon a essuyé les plâtres en recevant les évaluateurs. On leur a dit qu’ils étaient des « pépites ». Cela ne les a pas empêché de perdre des moyens lors de l’attribution des DHG. Ils ont été en grève à 90% après cela.

A Avallon, ils ont refusé de jouer le jeu en notifiant leur refus dans une lettre. Les évaluateurs sont venus quand même, par peur que cela crée un précédent… Ils se sont senti bien seuls.
A Villeneuve sur Yonne, les collègues ont décidé de boycotter les groupes de travail devant préparer l’évaluation et de signifier leur refus. Cette volonté cumulée au départ en retraite du principal a entrainé le report du processus.
A Paul Bert, les collègues ont signé eux-aussi une lettre refusant l’accès à leur classe des évaluateurs.

Peu importe, les méthodes utilisées, il faut absolument être vigilants sur ces évaluations, s’en emparer collectivement et engager une riposte.
Et l’institution, elle, elle s’auto-évalue parfois ? Elle fait le lien entre les difficultés et le sabrage des moyens ? Elle a de beaux mots l’institution, entre « l’école de la confiance », « l’inclusion » ou en disqualifiant les revendications en disant que « nous sommes choyés » !! Mais que fait-elle pour traduire ces paroles en actes ?

Mathilde Pédrot et Arnaud Munsch