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Dans la droite ligne du rapport issu du Comité Mathiot pour les mathématiques du printemps dernier, le ministre P. Ndiaye refuse toujours de voir les problèmes créés par la réforme du lycée menée par J.M. Blanquer. Il apporte des réponses qui n’en sont pas à des problèmes bien réels, tout en inventant des problèmes largement imaginaires. Il prétend ainsi concilier la « réconciliation de tous les élèves avec les mathématiques » et la « promotion de l’excellence » (et non pas l’amélioration générale du niveau des élèves). Ce faisant, il assume de continuer à creuser le fossé entre les meilleurs élèves en mathématiques, dont le niveau ne faisait aucunement question jusqu’ici et pour qui rien ne changera, et les élèves les plus éloignés de la discipline. Au passage il annonce en creux mettre au pas les pratiques pédagogiques des professeurs de mathématiques, en alourdissant encore plus leur charge de travail.

Dans le détail, il avance une série de mesures, la plupart encore très floues à ce stade, et non assorties de moyens clairs sous forme de créations de postes « en dur » (les HS n’ont pas fini de pleuvoir !), quand d’autres semblent confirmer sa volonté d’encadrer de près les pratiques pédagogiques :

  • Encouragement à la création de Clubs mathématiques en collège, mesure sympathique en apparence quoique chronophage, mais qui consacre aussi le cliché, sorti d’on ne sait où, d’un enseignement des mathématiques moins prisé des élèves au collège qu’en primaire… Depuis la réforme de 2016, les horaires d’enseignement ont resserré les emplois du temps : proposer des ateliers (la plupart du temps bénévolement) entre 12h et 13h30 relève déjà d’un défi. Les contours de ce Club restent à définir, notamment pour éviter que, une fois, de plus, seuls les très bons élèves élèves déjà avides de mathématiques ne soient les seuls à les fréquenter.
  • Instauration d’un cadre national de compétences en mathématiques, sur le modèle du cadre européen de référence pour les langues, qui permettra d’exercer, de manière continue, une pression sur les professeurs de mathématiques. Rappelons qu’ils sont déjà sous la menace d’un possible contrôle des plus tatillons de leurs pratiques pédagogiques par des directions d’établissement ne possédant la plupart du temps aucune compétence particulière en enseignement des mathématiques, et en mathématiques tout court (voir notre analyse du déploiement du Plan mathématiques en collège). Les injonctions déconnectées de l’activité réellement conduite avec les élèves n’ont pas fini de pleuvoir sur les collègues, pour tendre vers l’instauration d’un cadre de pratiques pédagogiques totalement normées, au risque de leur totale artificialisation. Ce cadre national de compétences en mathématiques s’articulera avec une certification en fin de collège, une sorte d’ »Ev@Maths », après Ev@lang en LVER. Un dispositif de plus qui n’apportera aucune aide ni moyen pour faire mieux réussir les élèves mais qui mettra la pression sur les collègues en plus de renforcer le caractère individuel des parcours des élèves. Le ministère aurait pu déjà respecter et construire une norme commune en rénovant le DNB et en renforçant sa place …
  • Introduction d’un module de réconciliation avec les mathématiques en classe de Seconde, dont personne ne sait à ce stade à quels les élèves il s’adressera, et dont les modalités concrète de mise en œuvre (moyens, programmes, etc.) sont inconnues. Vu la défiance institutionnelle et ministérielle envers les professeurs de mathématiques, on aurait préféré une réconciliation de l’institution avec eux, et la restauration de la confiance : ce ne sera pas le cas …

Petite avancée, grand tour de passe-passe

La mesure « phare », très largement médiatisée, est la réintroduction de 1h30 de mathématiques en Première pour les (seuls) élèves qui ne choisiront pas la spécialité mathématiques. Cette mesure est une petite avancée par rapport à l’existant pour les élèves qui en bénéficieront puisqu’ils auront une occasion de travailler la discipline une année de plus dans leur cursus. Mais peu importe visiblement au ministre qu’environ 50% des élèves continueront, comme aujourd’hui, à ne pas recevoir un enseignement de mathématiques complet, sur l’ensemble des 3 années du lycée… En outre, ce volume horaire très limité ne permet même pas de reconstituer le volume horaire de mathématiques auquel pouvaient prétendre les élèves de l’ancienne L (en option) ou ES (en obligatoire). Leur formation s’en ressentira nécessairement, et leurs chances de réussites dans l’option mathématiques complémentaires de Terminale aussi, pour celles et ceux qui s’y risqueront.

Notons au passage que le programme de cet enseignement n’est pas évoqué dans la communication ministérielle : en restera-t-on, comme évoqué depuis 6 mois par la DGESCO et l’Inspection générale, au programme de l’actuelle option de Première ? Mystère.

Cette mesure n’apportera enfin aucun remède aux difficultés posées par la réforme du lycée, qui consiste à faire supporter aux élèves les conséquences de leur choix contraint de renoncer à suivre certains enseignements, mécanisme-clef de la réforme, qui continuera donc de concerner leur enseignement de mathématiques. Elle ne réglera pas non plus la question de l’aggravation des inégalités – constatée dès la seconde cohorte d’élèves franchisant les trois années du nouveau lycée – filles/garçons, comme sociales, dans le choix des parcours de formation en mathématiques, et qui découle directement de sa structuration.
La seule réponse envisagée, au-delà des efforts de communication contre les stéréotypes de genre, louables mais de portée limitée, consiste à imposer une logique d’objectifs chiffrés dans les équilibres filles/garçons dans l’ensemble des spécialités et dans les enseignements et certains parcours post-bac, au risque d’entrer dans une logique de quota largement contre-productive pour les élèves… Au passage, le ministère semble confondre la promotion et la revalorisations générale des mathématiques et la réduction des inégalités de genre, dans un curieux raccourci.

Lycée Blanquer, de rustine en rustine …

L’introduction d’un enseignement supplémentaire de 1h30 de mathématiques, pour certains élèves seulement et donc hors de tout cadre commun, finit (?) de multiplier les dispositions particulières et renforce l’usine à gaz que constituent déjà les très inégalitaires réformes du lycée et baccalauréat Blanquer : alourdissement de l’horaire hebdomadaire pour les seuls élèves ayant renoncé à la spécialité mathématiques, modalité différente de calcul de la note de l’enseignement scientifique de Première pour l’examen.
Le difficile – et bancal – retour d’enseignements de mathématiques pour tous les élèves de Première démontre que le lycée Blanquer, malgré la pose continue de rustines tous les 6 mois, et l’inventivité sans bornes du ministère pour faire croire à chaque fois au règlement des problèmes, n’est guère amendable, raison pour laquelle le SNES-FSU continue d’en demander la totale remise à plat.

Sous le tapis …

Le plan ministériel est enfin marquant par ses silences et omissions. Il évacue ainsi notamment totalement les problématiques des programmes, trop lourds, et mal articulés les uns aux autres (programme de Seconde qui présente souvent le caractère de propédeutique à la spécialité mathématiques de Première ; difficulté pour un élève n’ayant pas choisi la spécialité mathématiques de Première de réussir en mathématiques complémentaires de Terminale ; insuffisance des contenus présents en mathématiques complémentaires pour nombre de poursuites d’études). Ce faisant, les annonces du ministre laissent non résolus des problèmes que la profession continue de juger intenables…
Mais l’essentiel pour le ministre reste sans doute de sauver une réforme du lycée de plus en plus critiquée – et ce n’est pas fini – de toutes parts !