Réforme des lycées

Le "briques"-à-brac des modules

Extrait du bulletin académique trimestriel n°63 du SNES-Dijon

paru le lundi 29 septembre 2008

Dès septembre 2009, est-il souhaitable que le lycée français change si vite et autant ? La nouvelle classe de seconde serait découpée en semestres de 2 fois 18 semaines et les enseignements, organisés autour de trois grands blocs principaux, seraient répartis, selon les vœux du ministère, en modules ou briques de trois heures. En 2010, cette organisation toucherait les premières, puis en 2011, les classes de terminales.

L’architecture annuelle du nouveau lycée (calculée sur une base de 27h de cours/semaine pour les élèves) se dessinerait de la manière suivante (cf. tableau, p. 4 du bulletin n°63 du SNES académique, envoyé à chaque syndiqué).

Si l’architecture qui se dessine est radicalement nouvelle, elle est malheureusement (et de façon fort inquiétante pour l’instant), construite en partie de briques vides !

Le ministère vient de décider que les enseignements fondamentaux en seconde seraient : Français, Mathématiques, Histoire- Géographie, LV1, LV2, EPS. Il vient donc, de façon unilatérale, d’opter pour la disparition des SVT et des Sciences physiques du socle commun. Pourquoi ? Peut-on parler d’une réforme qui s’élabore dans la concertation ? Ne devrait-il pas y avoir une discussion de fond sur le choix de ces matières ? De plus, si le ministère a tranché en seconde, qu’en est-il pour les premières et terminales ? Quelles matières deviendront complémentaires ? Quel sera le contenu des nouveaux programmes ? Quelles matières seront sacrifiées ? Au prix de combien de suppressions de postes ? Et on voudrait nous faire croire qu’on va faire mieux avec moins ?

Devant tant de questions aussi importantes sans réponses, il y a légitimement de quoi s’inquiéter, d’autant plus que le calendrier ministériel est serré et risque de prendre de court élèves, parents et enseignants.

Il y a d’autant plus urgence à prendre le temps de penser cette réforme que nos lycéens se retrouveront devant une vingtaine de modules à valider tous les ans ! Comment construiront-ils leurs parcours, quel sens lui donneront-ils ? Ne prend-on pas le risque d’un éparpillement des savoirs ? Et si les plus brillants de nos élèves ou les plus avertis risquent de tirer profit de cette nouvelle organisation, les plus fragiles ne courent-ils pas le risque de se perdre dans cet émiettement de modules ?

N’oublions pas que cette individualisation des parcours fera éclater le groupe classe souvent précieux en seconde, et même après !
Et les questions sont encore nombreuses : 60% d’enseignements fondamentaux en seconde et moins de la moitié en première et terminale, est-ce suffisant pour appréhender notre monde et sa complexité ?

Est-ce suffisant pour construire un parcours riche de vrais savoirs et non, pour partie, de modules de soutien et d’orientation, inclus dans l’emploi du temps, qui loin d’ouvrir les yeux des lycéens sur de multiples domaines, vont au contraire appauvrir le contenu de vrais enseignements ? De surcroît, ces modules seraient menés par des enseignants qui ne sont pas formés à l’orientation et dont ce n’est pas le métier !

D’autre part, quand on sait que les modules complémentaires et d’accompagnement (plus de la moitié des enseignements en première et terminale) dépendront de l’autonomie des établissements, on ne peut s’empêcher de penser qu’en plus d’être très différents d’un élève à l’autre, les parcours différeront d’un établissement à l’autre, remettant évidemment en cause le baccalauréat tel qu’il existe aujourd’hui.

A n’en plus douter, le lycée est bel et bien entré dans l’ère de la concurrence, dans le marché de l
offre et de la demande… Qui proposera le module complémentaire le plus attractif ? Qui offrira la plus grande diversité dans le choix des modules ? Quel sera l’établissement le mieux classé ? Quel est celui qui remplira le mieux ses objectifs ? Mais quels objectifs ?

L’école ne se penserait donc plus qu’en termes d’objectifs chiffrés ? D’indicateurs de performance ? De pourcentages de réussite ? Bien sûr que le lycée doit viser la réussite de tous, mais ne faudrait-il pas commencer par se demander ce qu’est réussir ?…

La réforme des lycées, et au-delà, la question de l’Education nationale, est un enjeu de société qui ne saurait se passer d’une discussion de fond entre les parents, les élèves et l’ensemble des personnels de l’Education nationale. Malheureusement, le calendrier pour le moins hâtif de Xavier Darcos laisse à penser qu’il est plus préoccupé de faire passer sa réforme que de la discuter, et l’on peut s’interroger sur la réalité de la volonté ministérielle de concertation avec les organisations représentant les personnels.

Si le SNES souhaite une vraie réforme des lycées, il ne saurait cautionner un lycée qui ne serait que de « briques » et de broc. Ce gouvernement s’en est déjà pris au hôpitaux et aux tribunaux, ne sacrifions pas l’école ! Si nous souhaitons être entendus, nous devrons être nombreux à réagir !

Dans un tel contexte, il est évident que le SNES mette aussi en débat la question de sa participation à la poursuite des discussions. Le SNES invite vivement tous les collègues à se réunir. Des stages départementaux vont être organisés par les S2. N’hésitez pas à faire remonter toutes vos remarques, critiques, inquiétudes et proposi-tions à l’adresse électronique : lycees@dijon.snes.edu.

A suivre…

Anne-Cécile Clément-Riard