Rapport Descoings : Le SNES écrit à Luc Chatel

(28/08/2009)

paru le dimanche 30 août 2009

à Monsieur Luc CHATEL Ministre de l’Education nationale Paris, le 28 août 2009

Nos réf : RH/CS/28082009

Monsieur le Ministre,

Lors de la parution du rapport de Richard Descoings sur les préconisations pour le lycée, le SNES a souligné la responsabilité du politique en insistant sur l’impossibilité de mettre en place une réforme dans les conditions imposées, à savoir dans le contexte des économies budgétaires et de la RGPP. Les suppressions de postes à la rentrée 2009, comme celles prévues en 2010, ne peuvent qu’inquiéter. Le SNES le redit solennellement : la réforme des lycées ne doit pas être menée pour économiser des moyens mais pour favoriser la réussite de plus de jeunes. C’est une base de discussion incontournable.
Une véritable réforme ne peut être envisagée sans une large concertation de tous les partenaires de l’Ecole : personnels, lycéens, parents d’élèves, élus… C’est un des choix possibles du rapport, qui souligne par ailleurs la nécessité de partir des préoccupations exprimées par le terrain. Il est aussi impératif de mener de front la réflexion sur les contenus et les objectifs et celle sur les structures. Cela implique la mise en place d’un calendrier raisonnable qui permette le temps du débat à tous les niveaux, tant sur la structure que sur les contenus, éléments qui ne peuvent être dissociés. Il ne nous parait donc pas envisageable que la nouvelle seconde puisse être mise en œuvre dès la rentrée 2010.
Au niveau des constats, R. Descoings souligne à juste titre que, si une réforme des lycées est indispensable, le lycée n’est pas le lieu absolu de l’échec scolaire, ni responsable en premier lieu des taux d’échec en université. Mais son rapport manque de précision et fait peu de propositions concrètes.
Si on en reste aux généralités, le SNES constate que certaines de ses propositions semblent partagées par le rapporteur. Cette situation est le résultat de la mobilisation des personnels et du SNES. Nous n’accepterions pas de revenir sur ces acquis.
 Maintien de l’engagement de l’Etat et finalités du lycée. Le lycée n’est pas que la propédeutique du Supérieur, c’est un lieu de formation générale technologique et/ou professionnelle mais aussi le lieu de la transmission d’une culture commune et de l’apprentissage de la citoyenneté.
 Nécessité du maintien des trois voies de formation au lycée. A ce titre, le SNES approuve l’opinion du rapporteur : les trois voies du lycée sont complémentaires et d’égale dignité et les articulations entre ces trois voies sont un élément central. Le lycée professionnel souffre d’une image dévalorisée alors qu’il permet la réussite et l’accès au bac de jeunes par des pratiques et méthodes différentes de celles des voies générale et technologique. La réforme devra donc s’accompagner d’une véritable volonté politique de lutter contre les usages sociaux discriminants et les représentations souvent erronées.
 Reconnaissance de la voie technologique en tant que vecteur de démocratisation.
 Construction d’une véritable classe de détermination en seconde (mais les propositions restent imprécises, par exemple en ce qui concerne l’organisation du 3ème trimestre).
 Nécessité urgente de rénovation des séries STI.
 Nécessité de rééquilibrer les voies générales en lycée (mais les pistes définissent plutôt les contours d’une alternative que de véritables préconisations).
 Maintien du cadre national du bac.
 Rejet de la semestrialisation.
 Discussion démocratique autour des programmes et respect de leur cadre national.
 Nécessité de la formation continue des personnels.
 Amélioration de la démocratie lycéenne.

Mais le SNES conteste plusieurs préconisations :

 Les effectifs de classe jouent, on le sait, un rôle fondamental dans l’acte d’enseignement et dans les conditions d’apprentissage. Or la situation est mauvaise dans le cycle terminal et souvent dramatique en seconde. On ne saurait se satisfaire d’une « meilleure répartition des moyens entre disciplines et lycées ». Il y a nécessité d’abaisser le nombre d’élèves dans les classes de seconde dans tous les lycées et davantage encore en ZEP. Effectifs allégés en classe entière et petits groupes sont indispensables à des apprentissages scolaires réussis.
 La conception de l’orientation développée dans le rapport est réductrice, prend peu en compte la spécificité de l’adolescence et occulte le rôle capital des COPsy.
 Si R. Descoings propose « de nouveaux apprentissages », on remarque que ce sont en fait généralement des pratiques déjà existantes et mises à mal par les conditions matérielles des établissements (effectifs, DGH en réduction…). Prises de parole, débats, TCI notamment, exigent de petits groupes. Il en va de même pour « les cours de méthodologie » qui, pour être efficaces, doivent s’adosser aux disciplines.
 S’il est nécessaire de permettre un véritable accès à la culture, aux pratiques artistiques et sportives, cela passe d’abord par une consolidation des disciplines artistiques et de l’EPS.
 La conception du rapport sur « l’accompagnement personnalisé », qui regroupe artificiellement des notions hétérogènes (aide au travail personnel, orientation, approfondissement, TPE…) ne tient pas compte des mécanismes d’apprentissage du lycéen ni de sa personnalité en construction. Sans compter que le texte est muet sur les personnels qui devraient assurer ces heures. Le SNES s’oppose à la volonté d’individualiser à outrance et d’externaliser le traitement des difficultés rencontrées par les élèves que semble porter cette notion. Il maintient que les difficultés des élèves doivent être traitées dans la classe, avec des personnels qualifiés (les enseignants), et des conditions de travail qui soient propices.
 Il est positif d’encourager l’engagement citoyen des lycéens. Mais évaluer cet engagement, et plus particulièrement dans le cadre du baccalauréat, pose problème : s’engager est un acte qui relève de la liberté de l’individu incompatible avec la notion d’appréciation que porte toute évaluation.
 Le SNES s’oppose à l’autonomie des établissements, qui met à mal la notion de service public et d’égalité de tous face à l’éducation. Autre chose est la mise en place des dispositifs décidés par les équipes éducatives sans remettre en cause le cadre national des programmes et des horaires.
 Le « cadre national du baccalauréat » est nécessaire, mais pas suffisant : le SNES s’oppose au développement du contrôle « local » par le CCF et le contrôle continu.
 Enseigner est un métier qui exige une formation de haut niveau tout au long de la vie. On ne saurait mentionner l’importance de la formation continue des enseignants (comme le fait le rapport) sans lui (re)donner réalité. Enseigner est le cœur du métier et on ne peut confier aux enseignants des missions qui relèvent d’autres métiers que le leur. Il faut, au contraire, créer les conditions qui permettent de le faire encore mieux pour faire réussir plus de jeunes. Les missions des enseignants doivent être abordées clairement dans les négociations, en tenant compte des spécificités du métier.

Pour le SNES, tous les jeunes peuvent réussir au lycée. Et l’élévation du niveau de qualification de tous est indispensable pour assurer une véritable démocratisation et répondre aux exigences économiques, sociales et culturelles de la société. Il a des propositions qu’il entend défendre :
 La seconde doit être un temps de respiration, de transition, pour découvrir de nouvelles disciplines. C’est une étape essentielle de la scolarité, préparant le futur. Il s’agit de trouver un équilibre entre les matières déjà enseignées au collège et les disciplines nouvelles, sur lesquelles reposent des choix d’orientation.
 Le cycle terminal doit offrir une plus grande diversité de parcours cohérents ce qui implique le maintien de l’organisation en voie et en séries, mais réinterrogées, revues, rééquilibrées.
 Les conditions d’enseignement (horaires, effectifs, mais aussi méthodes et contenus…) doivent permettre la réussite de tous les jeunes tout en favorisant l’entrée de tous dans l’activité scolaire et, par là, leur autonomie, leur esprit critique et citoyen.
 Les contenus d’enseignement doivent permettre de mieux comprendre les grands enjeux du monde contemporain.
Le temps de travail du lycéen, ses conditions d’apprentissage des savoirs, au lycée et en dehors du temps scolaire doivent faire l’objet d’une étude beaucoup plus sérieuse que celles qui existent.
 Les choix d’orientation des élèves ne sauraient se résumer à une simple gestion des flux, ni être guidés par les seules représentations des élèves ou de leurs professeurs qui ne sont, par ailleurs pas formés à cet accompagnement. L’élaboration des projets des élèves doit être confiée aux personnels qualifiés que sont les conseillers d’orientations psychologues, en complémentarité avec les professeurs principaux et plus largement l’équipe pédagogique.

Au delà de préconisations, le rapport de R. Descoings propose aussi des sujets de débats importants et qui doivent être préalables aux décisions. Or ils n’ont pas été menés. Si le SNES considère que le rapport de R. Descoings peut être un élément important du débat, il ne s’inscrira pas dans une démarche de négociations sur une éventuelle mise en œuvre des préconisations de ce rapport.

Soyez, Monsieur le Ministre, assuré de notre détermination à poursuivre notre action pour la construction d’un lycée démocratique.

Roland HUBERT Daniel ROBIN Frédérique ROLET Co-Secrétaires Généraux