Madame le Recteur,
Comme l’ensemble des services publics, l’Éducation Nationale est touchée depuis des années par des suppressions massives de postes obligeant les académies à faire des choix qui, contrairement à ce que vous affirmez, dégradent la qualité des services rendus aux élèves et les conditions de travail des personnels.
Techniquement, pour supprimer de nombreux postes, le ministre et les services académiques ne manquent pas d’imagination : transformation des heures poste en HSA, il y a deux ans, suppressions d’une partie des « mises à disposition » et des TZR l’an passé, augmentation du temps de service des enseignants stagiaires et solutions ubuesques envisagées pour l’année de stage cette année.
L’an prochain, la mise en place d’un tronc commun en première et la suppression des bac pro 2 ans seront les leviers permettant de continuer à supprimer des postes.
Dans les établissements, nous pouvons mesurer tous les jours les effets sur la qualité des services rendus. Ainsi :
– la suppression d’un grand nombre de postes de TZR dans toutes les académies a entraîné la baisse de la qualité du service des remplacements ce que confirment les récentes déclarations de Luc Chatel ou de la FCPE sur ce sujet.
Hélas, le ministère de l’Education ne répond que par la provocation : faire appel aux retraités, aux remplaçants des autres académies, multiplier le recours aux précaires recrutés par Pôle emploi, etc… Que cela s’accompagne encore d’une dégradation des conditions de travail des personnels ou d’une baisse de la qualité de l’enseignement prodigué aux élèves, peu importe !
– l’augmentation du taux d’HSA dans les dotations des établissements a augmenté la pression qui s’exerce sur les personnels enseignants. Ce taux est tel dans nombreux établissements de l’Enseignement Professionnel que les 2.5 heures d’accompagnement personnalisé prévus par les grilles horaires, pourtant rétablies en HSA à la rentrée dernière, sont repassées en heures effectives et ne peuvent pas être dispensées à toutes les divisions. Aucun bilan sérieux de ce dispositif n’a pu être fait, et il est repris dans le cadre de la réforme du Lycée !!!
Et ce n’est pas près de s’arranger :
– l’organisation envisagée par les académies pour l’année de stage (formation groupée) va entraîner la baisse de la qualité du suivi des élèves tout comme le choix de notre académie d’augmenter le nombre de jumelages dans les lycées professionnels. Ces jumelages posent d’énormes problèmes en CAP avec des publics très hétérogènes, ainsi qu’en Bac Pro, notamment quand les spécialités sont différentes.
– L’augmentation probable du nombre d’élèves par classe pour les enseignements du tronc commun de première va dégrader une fois encore les conditions de travail des élèves et des personnels. Ah Réforme perverse que voilà puisque c’est nous-mêmes qui allons organiser les dégradations des conditions de travail par l’intermédiaire du conseil pédagogique, et de l’autonomie des établissements, accrue par le nouveau décret sur les EPLE .
Faire mieux avec moins est une volonté qui a de bien fâcheuses conséquences sur le terrain. Et si l’on voulait une autre illustration du manque d’enseignants dans le second degré, voilà qu’un appel à candidature est lancé auprès des professeurs des écoles pour enseigner dans les collèges !
Le plus désespérant pour les collègues est l’utilisation sans retenue des effets d’annonce :
Belle réforme annoncée par le ministre où on promet de l’accompagnement personnalisé aux élèves, accompagnement qui n’aura de personnalisé que le nom : en effet les premières simulations des établissements font état d’un accompagnement personnalisé dans des groupes de 12 à 17 élèves.
Belle réforme où on promet que les élèves pourront changer de filières en première en omettant de dire que ces passages se feront essentiellement de la série S, vers la série ES puis vers la série L.
Belle réforme qui promet le rééquilibrage des séries tout en laissant à la série L son étiquette de « série la plus spécialisée ».
Belle réforme qui diminue les heures disciplinaires au profit d’heures de projet ou d’accompagnement très volatiles qui permettront plus facilement d’externaliser certaines missions d’enseignement ou de supprimer le poste qu’on veut !!!
Le rectorat n’est pas en reste en communiquant sur l’augmentation de 91 emplois dans le second degré tout en omettant la suppression de 44 ETP suite l’intégration de 106 stagiaires dans le calcul des dotations. Et même sur ce dernier chiffre, il y a à redire : sur le terrain, il faudrait refaire le calcul avec 200 stagiaires et non 106 ! Il faudrait encore enlever 200 tiers d’ETP en intégrant les heures d’enseignement que vont assurer les étudiants en master 2 ou les vacataires qui remplaceront les stagiaires pendant leur période de formation.
L’Education dans tout ça ?
C’est le grand renoncement.
Sous couvert de « choix » donné aux élèves et aux familles (choix de l’établissement avec la disparition de la carte scolaire, choix de s’en sortir ou pas en utilisant ou pas les heures d’aides proposées, choix de bien s’orienter ou pas, …), on leur laisse la responsabilité de leur échec et on en profite pour ne pas proposer mieux à tous. C’est ainsi que les effectifs des classes ne sauraient baisser (sauf au prix de sacrifice sur les dédoublements), que les moyens de ZEP se différencient de moins en moins de ceux des autres établissements, que la volonté de tirer tout le monde vers le haut disparaît peu à peu aux dépens d’un socle commun, kit de survie.
La FSU a une autre ambition pour l’Ecole et continuera de s’opposer à cette politique éducative.
Elle appelle les personnels à manifester à Paris le 30 janvier pour une autre Ecole.