25 mai 2009

Editorial

La violence scolaire mérite mieux que des affichages médiatiques sécuritaires

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Monsieur le ministre,

Vous multipliez depuis quelques temps des annonces de mesures susceptibles, selon vous, de régler le problème de la violence en milieu scolaire : mise en place de vidéo-surveillance et de portiques détecteurs de métaux, création d’une force mobile d’agents auprès des recteurs, fouilles des élèves par les personnels de l’éducation nationale… Les événements récents fortement médiatisés sur lesquels vous vous appuyez pour annoncer ces mesures sécuritaires étaient d’une gravité extrême : intrusion d’une bande armée dans un lycée à Gagny, agression avec couteau d’une enseignante dans un collège de Fenouillet. Mais en focalisant vos annonces sur les manifestations de violence les plus spectaculaires, vous laissez croire que les intrusions extérieures et les agressions avec arme seraient le lot quotidien des établissements scolaires alors qu’elles sont, fort heureusement, marginales. Ces actes de violence sont inacceptables mais les mesures que vous préconisez pour les enrayer sont inadaptées tant pour prévenir les formes les plus extrêmes de violence - l’exemple récent de l’agression d’une jeune CPE à coups de pied et de poing dans un collège de Chanteloup-lès-Vignes le montre bien - que pour traiter celles qui minent le quotidien de la vie scolaire et dont les élèves sont souvent les premières victimes. Elles risquent en plus d’être contre productives car elles dénatureraient les missions des personnels, détérioreraient leurs relations avec les élèves et seraient source de tensions supplémentaires ; elles ne s’attaquent pas non plus aux causes réelles de cette violence.

Si la sanction s’impose chaque fois qu’un acte de violence est commis, il y a d’abord et avant tout un travail éducatif de sensibilisation et de prévention à mener avec les élèves, inscrit dans la durée et la confiance réciproque. Il y a également beaucoup à faire pour que tous les jeunes, qu’ils soient ou non éloignés de la culture et des normes scolaires, entrent efficacement dans les apprentissages et retrouvent espoir dans l’école.

Or, le gouvernement auquel vous appartenez a supprimé des dizaines de milliers d’emplois dans les établissements scolaires et il envisage d’en supprimer encore 17 000 à 18 000 au budget 2010. L’application de cette politique porte donc une grande part de responsabilité dans la dégradation des conditions d’études et de travail.

Le choix de supprimer la carte scolaire ne peut que renforcer la ségrégation et la polarisation sociale des établissements, et accroître, dans les établissements les plus « difficiles », la frustration d’élèves qui subissent déjà la violence de vivre dans des quartiers ghettoïsés où sévissent chômage, pauvreté et exclusion sociale. L’Ecole n’est pas imperméable aux problèmes de la société, les jeunes ne rentrent pas en classe en oubliant ce qui alimente leurs doutes sur leur avenir et leur sentiment d’exclusion d’une société qui creuse les inégalités et détruit les solidarités.

La violence en milieu scolaire est un sujet trop sérieux pour que quiconque se prête à quelque surenchère sécuritaire que ce soit. Il faut combattre toutes les formes de violence, et pas seulement les plus spectaculaires. Cela suppose une volonté partagée de s’attaquer à tout ce qui génère ou entretient de la violence : il faut, évidemment, continuer de sécuriser les établissements scolaires, être intransigeant sur le respect des règles de vie commune, sensibiliser les élèves au danger des jeux collectifs violents, mais il faut aussi, et en même temps, prévenir la violence en offrant partout aux élèves de meilleures conditions d’étude au sein de la classe, en donnant aux personnels le temps de dialoguer avec les jeunes et une formation qui intègre notamment la gestion des conflits.

Il faut constituer dans tous les établissements des équipes pluriprofessionnelles complètes et bien formées (enseignants, CPE, personnels de surveillance, COPsy, assistantes sociales, infirmières…) qui aient du temps pour assurer un suivi attentif des élèves les plus fragiles, pour se concerter ou encore travailler en partenariat avec les autres institutions ou associations qui mènent des actions de prévention en direction des jeunes et de leurs familles.

Ce ne sont là que quelques pistes qui montrent que la violence en milieu scolaire impose une réflexion globale avec tous les acteurs du système éducatif. Les réponses ne sont pas simplement d’ordre technique et leur élaboration nécessite un regard plus large et une approche politique qui sache concilier les aspects pédagogiques, sociaux et juridiques. C’est pourquoi, monsieur le Ministre, bien au delà du périmètre beaucoup trop restreint que vous imposez à la réunion de ce mercredi 27 à laquelle vous n’avez pas cru bon d’associer les représentants de tous les personnels, nous vous demandons solennellement d’entendre tous les représentants de la communauté éducative sur l’ensemble de la problématique de la violence, et non seulement sur ses manifestations les plus extrêmes.

Paris, le lundi 25 mai 2009

Fédération Syndicale Unitaire