
Après l’intervention télévisée solennelle du président de la République qui a dramatisé à souhait la situation internationale pour exister politiquement et justifier son souhait d’investir massivement dans les armées, c’est quasiment toute la classe politique qui s’est mise dans son sillage. Le ministre des Armées Sébastien Lecornu plaide pour, à terme, un budget de son ministère à 100 milliards d’euros (contre 50 milliards cette année) ; la présidente de la commission européenne Ursula Von der Leyen évoque, pour sa part, un plan européen de 800 milliards tout en précisant que ces nouvelles dépenses militaires seraient sorties du sacro-saint calcul du déficit plafonné à 3%. On croit rêver. Les orthodoxes des dépenses publiques, les gardiens du temple euro tricheraient donc avec leurs propres règles pour gagner au jeu de qui aura les plus beaux tanks, les meilleurs missiles, les plus modernes drones tueurs ?
Les agents de l’Education nationale ne sont pas si gourmands. Ils n’ont jamais demandé un doublement du budget de leur ministère, mais une augmentation de salaire substantielle et des recrutements humains pour faire la guerre à l’ignorance et propager la culture et le savoir. Mais lorsqu’ils demandent une augmentation, les responsables politiques invoquent le déficit ; lorsqu’on leur supprime le GIPA, on leur rétorque qu’on économisera quelques centaines de millions ; lorsqu’ils demandent une augmentation des recrutements pour permettre de baisser le taux d’encadrement des classes, on leur répond que c’est le moment de diminuer le nombre de fonctionnaires car vous comprenez, ça coûte à la nation, tout ça.
Et on ne parle pas de la crise de l’hôpital, au budget exsangue, ses infirmières qui le quittent pour le privé, lasses de travailler pour un employeur sans reconnaissance et ses médecins, si peu nombreux, qu’ils ont involontairement créé de nouveaux déserts dont la carte devrait faire honte à tout un pays qui se dit développé.
Non, la guerre n’est pas encore à notre porte et la France à elle-seule ne peut être le gendarme de l’Europe. Et plutôt que de craindre une menace extérieure, nos responsables feraient mieux de prendre le pouls du pays avant qu’une révolte interne ne le secoue. Car si l’on peut par des mécanismes originaux s’exonérer des règles en vigueur pour une menace aujourd’hui très largement mise en scène et dramatisée, on pourrait améliorer la vie des Français avec des investissements massifs mais moindres que ceux demandés pour les Armées sans nous jeter à la figure en permanence le déficit public.
Le secrétariat académique du SNES-FSU