Rapporteurs : Eugenio Bressan, Annie Clavel, Roger Ferrari, Matthieu Leiritz, Luc Muller, Frédérique Rolet
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Avec l’élection de Nicolas Sarkozy s’est accélérée la mise en cause de tout ce qui assure l’égalité et la solidarité d’une société, l’affaiblissement de la notion de responsabilité collective au profit d’un renvoi à l’individu, l’opposition systématisée entre les différentes composantes de la société (salariés du public / privé, immigrés, actifs/retraités, chômeurs / travailleurs en activité etc.), la diminution des services publics et des droits qu’ils garantissent, la paupérisation des salariés, notamment des jeunes, menacés par le chômage et la précarité, et des futurs retraités, l’affaiblissement systématique de la protection solidaire pour ouvrir encore plus le terrain au privé.
Par sa politique de « réforme » intensive, le gouvernement met les organisations syndicales sous pression, les contraignant sans cesse à réagir tantôt par la contestation tantôt par la négociation.
C’est une caractéristique de ce gouvernement de reconnaître d’une certaine façon la légitimité des syndicats et d’ouvrir avec eux des négociations mais aussi de chercher à les enfermer dans le cadre choisi, en imposant calendrier et bornes de discussion., en les plaçant d’emblée dans un accompagnement de l’évolution libérale ; c’est toute l’ambiguïté de la pratique de la « démocratie sociale », concept repris par Sarkozy avec la bénédiction du Medef qui voit dans cet avènement du dialogue social l’occasion de faire reculer l’intervention de l’État sur la réglementation du travail.
Cette stratégie a eu pour effet de contraindre les syndicats à agir constamment sur tous les fronts, multiplier les mobilisations sans toujours la coordination nécessaire, au risque de l’éparpillement. Si plusieurs secteurs ont su concrétiser des actions d’ampleur, l’extension des conflits n’a pas encore eu lieu et l’absence de victoires peut avoir un impact négatif sur les salariés. Néanmoins les difficultés à faire émerger des convergences de revendications trouvent aujourd’hui une première réponse avec la programmation de la journée du 29 janvier qui unit salariés du public et du privé autour des questions d’emploi et de pouvoir d’achat.
Se pose avec acuité la question d’une syndicalisation accrue des retraités sauf à renoncer à organiser leurs luttes et la solidarité concrète avec les actifs.
La question cruciale de l’unification des mobilisations renvoie à celle de la division syndicale, des stratégies des confédérations, des rapports salariés du public et du privé.
Dans ce contexte, le changement des règles de représentativité induit par la loi sur la démocratie sociale d’août 2008 sera-t-il de nature à faire bouger les choses et en quel sens ? Elle introduit des éléments nouveaux dans le paysage syndical du secteur privé et notamment :
une représentativité dorénavant fondée sur le vote des salariés, un accès plus ouvert aux élections dans l’entreprise, des seuils de représentativité aux niveaux de l’entreprise, de la branche. À compter du 1er janvier 2009 entrent en vigueur de nouvelles règles de validation des accords d’entreprise (signature de syndicat-s représentant au moins 30 % des suffrages exprimés et non opposition de syndicat-s représentant 50 %). Il est trop tôt pour pronostiquer les conséquences de ces règles nouvelles, mais il est certain qu’il est indispensable d’anticiper et d’associer l’ensemble des syndiqués à la réflexion si l’on veut être acteur des évolutions et construire des réponses pertinentes. La question de la représentativité des retraités est également posée ; c’est un enjeu très important face aux nombreuses associations qui essaient de couvrir un champ revendicatif et de se substituer aux organisations syndicales.
En choisissant de poser les questions en termes d’orientation et de perspectives pour le syndicalisme et non en termes de préservation de l’appareil la FSU peut avoir une vraie capacité d’intervention. Comment lui assurer ce rôle et lui permettre de travailler à la construction d’un syndicalisme plus rassemblé ?
Enfin, face à l’offensive néo-libérale, alors que la plupart des forces économiques dominantes agissent au niveau mondial, comment créer le rapport de forces nécessaire ; ce qui pose la question de l’efficacité du mouvement syndical international et des perspectives offertes par l’existence de la CSI mais aussi celle de l’avenir du mouvement altermondialiste.
Quel bilan des élections de fin 2008 ?
La fin de l’année 2008 a été marquée par des élections importantes par le nombre d’électeurs concernés (les prud’homales) et / ou par leurs enjeux (fonction publique territoriale, élections enseignantes).
Le scrutin prud’homal a connu une participation particulièrement faible : 25% de votants. Les résultats de cette élection marquent une assez grande stabilité et traduisent quelques dynamiques à l’œuvre depuis le début des années 2000. Ils sont en cohérence avec les évolutions notées ces dernières années : redressement de la CGT (+ 2 points), reculs de la CFDT (- 3,3), de FO (- 2,4) et de la CFTC (- 1). La CGC progresse légèrement, mais surtout reprend la 1re place dans la section « encadrement » tenue par la CFDT depuis 1997. L’UNSA et Solidaires consolident leurs positions respectives, leurs progrès en voix et pourcentage résultant essentiellement d’un accroissement du nombre de listes présentées. La FSU a été quasiment absente de ce scrutin.
Ces mêmes tendances se retrouvent dans les élections aux Cap de la fonction publique territoriale : progression de la CGT, reculs de la CFDT, de FO, de la CFTC et de la CGC ; L’UNSA perdant 1/3 de son audience suite à la scission de la FAFPT. Les syndicats de la FSU, qui ont principalement présenté des listes dans les collectivités d’accueil de fonctionnaires d’État transférés, obtiennent globalement un peu plus de 3 % des voix, devant la CGC et au coude-à-coude avec Solidaires.
Dans notre secteur, les élections professionnelles de décembre 2008 n’ont pas apporté de bouleversements des grands équilibres syndicaux établis depuis fort longtemps.
On notera toutefois un rebond de la participation (64,1 %, + 3 points) ce qui replace le second degré au niveau des élections des délégués du personnel dans les grandes entreprises.
Le nombre de listes est toujours aussi élevé conduisant à un éparpillement important, mais seules deux organisations syndicales dépassent le seuil des 10 % (CAPN des Agrégés, Certifiés, Chaires supérieures, CPE, CO-Psy), huit d’entre elles restant en deçà des 3 %. Le SNES obtient avec 49,93 % un pourcentage 4,5 fois supérieur à celui de son plus proche concurrent, le SGEN.
Il conserve sa majorité absolue aux CAPN des certifiés et des CO-Psy.
Cependant, le SNES bien que très largement majoritaire est passé en dessous de la barre des 50 % des exprimés en CAPN perdant 2 points sur les élections de 2005. On constate une baisse du même ordre dans les résultats des commissions paritaires académiques tant en lycée qu’en collège.
Manifestement, la hausse de la participation n’a pas profité au SNES et ce point doit interroger tout le syndicat, et tous ses militants et peut être remettre en cause quelques-unes de nos pratiques.
Comment mieux assumer la situation de syndicat majoritaire de la profession, comment mieux tisser des liens permanents avec les collègues, comment mieux prendre en compte leurs attentes ? Autant de questions que les instances du SNES et le congrès auront à se poser.
Le congrès FSU de 2004 avait décidé de l’élargissement de la fédération à tous les secteurs de la FP ; celui de 2007, tirant un bilan contrasté de cette décision, faisait le choix de mettre l’accent sur une « amplification de la mise en œuvre » du mandat de 2004. En accueillant les syndicats qui souhaitaient leur affiliation à la FSU, la fédération a élargi son champ de réflexion et d’intervention. L’élargissement reste cependant assez limité.
L’évolution des critères de représentativité et ce que cela induit comme stratégies des organisations syndicales va peser sur l’avenir de la FSU ; sa volonté, sans cesse réaffirmée, de peser sur l’ensemble des dossiers touchant les salariés et d’être présente dans tous les lieux où ils se discutent risque de trouver davantage d’obstacles dans un contexte de changements importants du paysage syndical français, obligeant à des recherches d’alliances, de recomposition pour certaines organisations. Les retraités des syndicats de la FSU (SFR) par leur nombre et leur mobilisation doivent avoir toute leur place au sein de l’organisation inter-UCR.
Le bilan des actions menées ces derniers mois fait apparaître la difficulté à unifier les luttes, la centration des grandes confédérations sur le privé au risque de délaisser les revendications du secteur public pourtant porteuses d’enjeux majeurs dans la défense de l’intérêt collectif. Les problématiques nouvelles ouvertes par la crise et l’action du 29 janvier pourraient induire de dynamiques.
Pourtant la FSU représente une véritable force dans le paysage syndical, ayant fait la preuve de sa capacité à appréhender les questions sociétales, à mobiliser à un haut niveau dans son secteur, de porter des alternatives sociales touchant l’ensemble des salariés.
Comment aller au-delà de l’unité d’action, contribuer à l’émergence d’un syndicalisme prenant en compte les évolutions du rôle de l’État, unifiant les revendications public/privé pour conquérir des droits nouveaux pour les salariés, pensant la condition des travailleurs précaires, pour imposer un autre partage des richesses ? Le syndicalisme doit mieux intégrer les préoccupations, les revendications et les réflexions des retraités pour faire pièce aux tentatives de les isoler des actifs et d’affaiblir ainsi les capacités de lutte des uns et des autres. Le SNES est affilié à la FGR-FP, il entend bien y occuper toute sa place et y renforcer un syndicalisme qui contribue à la convergence des luttes avec celles des actifs.
Quels types de rapprochements opérer avec les autres organisations syndicales sur la base d’orientations partagées, celles d’un syndicalisme de transformation sociale, unitaire, doté d’un fonctionnement démocratique : la démarche initiée antérieurement par la FSU des comités de liaison unitaire n’a pas fait ses preuves dans un contexte différent. Est-elle pour autant obsolète ? Les conditions existent-elles pour aller plus loin ? La construction d’une analyse commune pour l’action unitaire du 29 janvier augure-t-elle de nouvelles relations intersyndicales ? Les précédents congrès fédéraux ont écarté toute idée de transformation de la FSU en nième confédération : cette orientation reste-t-elle pertinente ? L’unification syndicale est-elle toujours un de nos objectifs ? La FSU n’a-t-elle pas à prendre des initiatives concrètes de travail en commun susceptibles de contribuer aux nécessaires rapprochements d’organisations ? Notre souci ne doit-il pas être de promouvoir un syndicalisme capable de penser ensemble problèmes économiques et sociaux et problématiques syndicales, intégrer les changements de société et leurs effets sur les salariés afin de mieux concevoir les besoins.
Afin de réfléchir à l’avenir du syndicalisme, le Congrès de la FSU devra lancer un processus, en veillant aux dynamiques créées dans l’ensemble du paysage syndical. D’ores et déjà, des évolutions ont lieu dans l’appréhension par les organisations syndicales des nouvelles formes de lutte, de salariat et de précarité (ex. de la lutte des travailleurs sans papiers organisée par la CGT), d’organisation de l’Etat ; la FSU, avec ses atouts, ne doit-elle pas s’inscrire dans une démarche de construction de ce syndicalisme ?
FSU et syndicalisme de la fonction publique
Jamais les attaques contre la Fonction Publique n’ont été aussi systématisées et les tentatives d’imposer de nouvelles orientations aussi déterminées : fonction publique d’emploi et de personne au lieu du statutaire et réglementaire, remise en cause du recrutement par concours, individualisation de la gestion des carrières et des rémunérations, suppression de services et de missions à travers la RGPP. La réforme de l’État va avoir des conséquences sur les champs de syndicalisation et la coordination des luttes au niveau local ; elle impose également d’unifier nos revendications pour les trois versants de la Fp et de travailler les réponses aptes à contrer la RGPP et proposer des évolutions au service de l’intérêt général.
Le bilan des luttes récentes n’est pas satisfaisant même s’il y a eu le plus souvent convergence des analyses, elles n’ont pas débouché sur des actions unitaires d’ampleur. La FSU, en dépit d’un travail important de sensibilisation de l’opinion publique, a du mal à émerger comme une fédération dépassant le secteur de l’éducation. L’application du mandat d’élargissement a, semble-t-il trouvé ses limites et n’a pas donné à la fédération la capacité de peser suffisamment.
La préparation de certaines réunions (csfpe), les négociations sur le dialogue social dans la fonction publique sont l’occasion d’un travail intersyndical important, qui reste cependant limité. La FSU La FSU, notamment au regard du nouveau contexte introduit par les nouvelles règles de représentativité, ne doit-elle pas renforcer son intervention sur les questions de la fonction publique et proposer aux fédérations de fonctionnaires qui en seraient d’accord des cadres permanents de travail, de réflexion et de mobilisation ?
Structuration et fonctionnement de la fédération
La conception de la FSU comme fédération de SN reste pertinente et la recherche de synthèses doit se nourrir des analyses et revendications des SN. Cependant, les questions restent à éclaircir qui renvoient au rôle de la fédération : composition des délégations, traitement des questions transversales etc. En outre, la difficulté à concilier la charge de travail au sein de son SN et à la FSU se pose avec acuité pour les militants ; si cette question ne trouve pas de réponses, elle peut conduire à laisser de plus en plus la place à des militants fédéraux coupés de l’activité de leur syndicat. Comment renforcer une bi-appartenance SN et secteurs ? Si les SFR créées en 2007 ont connu un rapide développement, se pose aujourd’hui la question d’une bien meilleure implication des retraités dans la réflexion et l’action fédérales en convergence avec les revendications et luttes des actifs. Le SNES s’est engagé avec succès dans cette voie ; comment favoriser une telle évolution dans la fédération ?
La question de l’exécutif n’a pas trouvé de réponses lors du dernier congrès et le pilotage de l’exécutif reste du ressort du seul SG. La réflexion a buté sur les difficultés à mettre au point un SG élargi efficace, articulant représentation des SN hors Éducation, de l’hétérogénéité des courants de pensée. Notre prochain congrès, au regard du nouveau contexte, devra à nouveau en débattre. Les réponses doivent être pensées en respectant le choix des syndiqués exprimé par leur vote, en intégrant les besoins de la fédération pour un exécutif le plus efficace possible, en articulant SN et SG et non en développant un « appareil fédéral » coupé des syndicats nationaux et de leur activité.
Quel bilan des CFR ?
Le SNES a été porteur de l’exigence de mise en place d’une structure régionale de la FSU pour améliorer sa capacité à intervenir et à construire des mandats syndicaux face aux pouvoirs régionaux. Le congrès FSU 2007 a décidé la mise en place de Conseils fédéraux régionaux. Quel bilan peut-on en faire aujourd’hui ? Quelles sont les difficultés rencontrées ?
Règles de fonctionnement de la fédération
Les règles de fonctionnement que la FSU s’est données lors de sa création doivent-elle être révisées ? La prise en compte des syndicats non structurés en tendances est-elle satisfaisante ? Par exemple, les modalités de décompte des votes dans les instances doivent-elles être revues ? En effet, aujourd’hui, un vote en abstention étant compté dans les exprimés avec les « pour » et les « contre », il est de fait assimilable à un vote « contre » ce qui empêche parfois la réalisation des 70%, condition à remplir pour toute décision. D’autres règles doivent-elles être revisitées ?
Structuration syndicale dans la FSU
La réorganisation de l’Etat, les transferts de personnels, l’évolution des formations, etc. bousculent dans bien des cas l’actuelle structuration syndicale à l’intérieur de la FSU. Se pose avec plus ou moins d’urgence la question de réorganisation / regroupement syndical dans la FSU pour offrir aux personnels un syndicalisme plus efficace et plus représentatif. Ces évolutions, qui ne peuvent se faire que dans le respect des règles que nous nous sommes données dans la FSU, doivent s’appuyer sur le développement de pratiques communes et sur l’avis exprimé par les personnels concernés.
Dans la même ligne que les résultats aux élections professionnelles, la syndicalisation connaît une décrue constante qui ne s’explique pas uniquement par les diminutions d’emplois, des inégalités importantes de mobilisation selon les départements et Académies, une difficulté à faire émerger des actions clairement majoritaires. Les attaques contre le second degré, l’absence de résultats très significatifs pour améliorer nos métiers, la perception que le système éducatif est à un tournant créent, dans une profession de plus en plus hétérogène, un doute par rapport à l’efficacité de l’organisation syndicale. A ceux qui aspirent à des réponses fortes aux attaques, les difficultés de mise en cohérence des différents cadres unitaires, de construction d’un mouvement large apparaissent comme des querelles d’appareils syndicaux coupés des personnels. Le contexte général pèse lourdement sur la manière d’envisager la stratégie syndicale et le fait de mener conjointement discussions, formulation de propositions et actions est remis en cause par certains militants ; de même, il conduit à développer des stratégies d’actions radicales, minoritaires, pensées comme propres à entraîner ensuite la masse des collègues.
Les derniers mois ont illustré cette difficulté à faire pleinement jouer au SNES son rôle de défense des personnels et de promotion d’une autre politique éducative tout en pesant pour infléchir des projets néfastes. N’est-il pas cependant constitutif de notre syndicalisme de construire et porter avec les personnels un projet fédérateur en même temps que de chercher à engranger le maximum d’acquis possibles et à faire reculer le gouvernement ? Les premiers bougés sur la revalorisation des métiers, le recul sur la réforme du lycée, la prise de conscience de plus en plus importante dans l’opinion du rôle de l’éducation et, de fait, des postes montrent la possibilité de faire bouger le gouvernement.
Le débat ancien sur les modalités d’action a été complètement réactivé dans le contexte et la possibilité d’alternatives à la grève, même si cette dernière reste la modalité la plus apte à fédérer la profession et porter les revendications, a émergé. Conscients du besoin de gagner la bataille de l’opinion, de construire un mouvement dans la durée, les collègues, sous l’impulsion du SNES, ont fait preuve de leur inventivité et produit des actions médiatiques et réussies (10 décembre, réveillons revendicatifs etc.).Le débat doit se poursuivre sur ce sujet.
La responsabilité du SNES, en tant que syndicat majoritaire, est grande dans le second degré ; or, celui-ci est en proie à de nombreuses évolutions dans sa structuration, son public, ses objectifs. La partition actuelle des champs de syndicalisation au sein de la FSU, fruit d’une histoire, fait que plusieurs syndicats organisent les enseignants du second degré. Pour porter l’identité second degré, penser globalement les revendications et donner le maximum de poids aux actions, il faut renforcer le travail commun avec le SNEP et le SNUEP et, compte tenu de la part croissante des agrégés et certifiés qui exercent dans l’enseignement supérieur, avec le SNESUP ; peut-on aller plus loin et réfléchir à des évolutions des champs de syndicalisation sans se laisser devancer par les restructurations imposées par l’institution (ex. des frontières enseignements technologiques /professionnels).
Rapport au politique
Depuis trop longtemps, les réformes du système éducatif, de la Fonction publique et des services publics s’appuient sur de prétendues aspirations de l’opinion publique. L’amincissement de l’État, la réduction des effectifs, la décentralisation, l’ouverture au secteur privé de missions relevant précédemment du service public, plus précisément dans l’Éducation l’accent sur l’autonomie des établissements, la trop grande spécialisation disciplinaire des maîtres, l’obsolescence et la rigidité de leurs statuts, l’impuissance face aux déterminismes sociaux, l’inefficacité du service public d’orientation, etc. paraissent dans le discours public faire l’objet d’un véritable consensus. Bien souvent, l’application de ces schémas stéréotypés tient lieu de feuille de route aux gouvernements et majorités parlementaires, toutes tendances confondues depuis près de 20 ans. Cette parole unique, qui véhicule les archétypes de la pensée libérale appliquée à l’Éducation nationale, doit et peut être combattue, comme elle l’est dans le domaine économique et social. Le SNES, avec la FSU, se fixe comme un objectif participant pleinement de l’établissement d’un rapport de force syndical, la diffusion de ses analyses, de ses valeurs et de ses revendications dans le corps social. Outre le travail avec les associations, les autres organisations syndicales ou les élus, le SNES doit poursuivre le débat avec les formations politiques démocratiques, sans exclusive donc, à l’exception bien évidemment de l’extrême droite. Cet échange doit reposer sur plusieurs piliers : la transparence, le souci intransigeant de l’indépendance syndicale, le respect des prérogatives respectives entre notre syndicalisme et les formations partisanes ; il exclut par essence toute participation à l’élaboration d’un programme de gouvernement. C’est donc par l’articulation entre l’élaboration de nos analyses, la mobilisation de nos collègues et la popularisation de ses revendications que le SNES pourra, demain plus qu’hier, faire progresser et aboutir les revendications des personnels.
Le SNES et les collègues : quel rapport au syndicalisme ?
À l’image de la profession, avec le départ en retraite des générations du baby-boom, le SNES est confronté à la question de son évolution démographique. Outre la question déterminante des revenus du SNES, à l’aube d’une crise de ciseaux (arrivée de nouveaux adhérents dans les premiers échelons et nombreux départs d’adhérents à cotisation élevée), plusieurs défis doivent être relevés :
• la syndicalisation et la fidélisation des néo titulaires ; comment éviter la déperdition après la première adhésion ? L’argument d’une moindre conscience politique des nouvelles générations peut être discuté : depuis une quinzaine d’années, la présence des étudiants et de jeunes collègues dans les mouvements sociaux a été régulière (mouvement anti CIP en 1994, grève de Seine St Denis en 1998, mouvements anti Allègre en 1999 – 2000, mouvement de 2003, mouvement anti CPE en 2006, mouvements lycéens…). Faut-il plutôt chercher du côté de l’ « offre » syndicale ? Comment convaincre davantage de l’utilité pratique et politique de l’adhésion et du militantisme ? Le syndicalisme par définition se fixe comme objectif la lutte pour des revendications unificatrices pour les salariés : ne convient-il pas cependant de cibler, dans notre communication, un public de début de carrière soumis à des réalités spécifiques ? Les jeunes collègues, souvent TZR, ressentent dans les premières années un certain isolement professionnel : à l’heure où experts et gouvernants s’érigent en prescripteurs, notre syndicat ne gagnerait-il pas à proposer davantage de stages, en dehors du cadre hiérarchique, spécifiquement à destination des entrants dans des métiers complexes et mouvants ? Plus globalement, comment, sans se leurrer sur de soi – disant « bonnes pratiques » difficilement généralisables, échanger entre S3 pour mettre en commun les expériences locales concernant le recrutement et l’implication de jeunes adhérents ? Ne faut-il pas et sous quelle forme renforcer nos efforts sur les secteurs AED et non titulaires ? Nos militants IUFM sont actifs et syndiquent largement les stagiaires : quelle présence encore améliorée dans les IUFM et donc dans les universités ? Personne n’a intérêt à l’affaiblissement des syndicats étudiants : ne faudrait-il pas encore approfondir nos échanges et nos débats avec eux ? Sous quelle forme ? Secondaire sans doute – le SNES, ce sont d’abord et surtout pour un jeune collègue les militants qu’il voit agir et lutter - mais non négligeable, l’image du SNES dans les jeunes générations, telle qu’elle est véhiculée caricaturalement par les médias, constitue sans doute un handicap : comment l’améliorer ? Par quel discours public ? quel travail sur l’opinion ? Quelle évolution de nos propres médias : presse, publications, site, courriels.
• l’engagement militant ; la force du SNES repose d’abord sur un réseau de militants – locaux, départementaux, académiques, nationaux- sans égal dans le monde syndical. Là encore, les générations massivement syndiquées, qui comptent de nombreux militants expérimentés et en responsabilité, quittent la vie active. Le SNES n’est pas le plus mal loti des syndicats, loin de là : son renouvellement est en cours, il est difficile mais vital pour le SNES, et prioritairement dans les établissements, viviers de futurs responsables de s2, s3 ou s4. Sans qu’il y ait superposition entre renouvellement et rajeunissement du tissu militant, il est permis d’affirmer que le second enjeu facilite le premier. Poser un problème n’est pas le résoudre : comment aider les s2 et s3 à reconquérir des bases militantes locales ? Comment améliorer les pratiques existantes, dévoreuses de temps militants mais incontournables : quelle politique de stages ? Quelle aide aux tournées d’établissements ? Comment favoriser l’accès de jeunes collègues à la responsabilité syndicale ? Comment, même si l’on sait bien que très vite un fossé se creuse, mettre l’expérience des militants en fin d’activité au service des plus jeunes ?
Une approche segmentée de la population militante n’épuise pas le débat, certains faits sont cependant têtus : à la rentrée 2007, 57,2 des enseignants du second degré public devant élèves sont des femmes. La proportion des femmes progresse parmi nos militants, mais reste en deçà de leur part dans la profession. L’âge du premier enfant se monte à environ 28 ans. Sauf à affirmer l’inexistence de contingences matérielles spécifiques à la vie quotidienne des jeunes femmes, la question des pratiques militantes (horaires et durée des réunions, prise de paroles, …) aptes à faciliter leur militantisme reste posée.
La comparaison entre la situation de 2007 et celle d’aujourd’hui fait apparaître peu d’évolutions dans les équilibres de représentation des militants aux différents niveaux (parité, renouvellement, intégration des jeunes…) ; faut-il mettre davantage l’accent sur cette question et comment ?
• Syndicalisation des étudiants préparant les concours d’enseignement ; Si l’intégration des IUFM dans les Universités avait déjà amorcé la question de la représentation des étudiants se destinant aux métiers de l’E.N dans les différents conseils, la masterisation la pose complètement. La partition actuelle entre étudiants et stagiaires de l’Education nationale ne sera plus pertinente, les étudiants préparant en lien concours et master, la situation de stagiaire risquant de disparaître.
Quelles mesures prendre : faut-il envisager leur organisation dans une structure syndicale étudiante au sein de la FSU ? Leur syndicalisation dans le SNES pour ceux qui se destinent aux enseignements du second degré ? à quelle étape du cursus les syndiquer ? Faut-il au contraire privilégier des accords avec les organisations étudiantes sur les champs de syndicalisation ?
• L’utilité du syndicat
Les collègues s’interrogent souvent sur l’utilité de l’action syndicale et au-delà sur celle de l’outil syndical opposant parfois information, aide et intervention concernant leur situation professionnelle (mutation, emploi, service, carrière…), action et revendications. Alors que nous ne parvenons pas à déboucher sur des améliorations significatives, le rôle aujourd’hui déterminant des politiques rectorales et l’autonomie croissante des établissements compliquent la perception de l’utilité de l’outil syndical. Les liens entre situation individuelle et politique éducative ne vont pas de soi. Les niveaux de décision se brouillent. Les solutions attendues par les collègues pour répondre à leur situation concrète ne sont pas toujours faciles à obtenir. Cela peut conduire certains à conclure à l’inutilité de se syndiquer et d’agir, d’autres à privilégier le rôle de résistance du syndicat. Comment surmonter ces difficultés et mieux prendre en charge les préoccupations quotidiennes des personnels sans les couper des problématiques générales ? La question des droits syndicaux nouveaux à conquérir au niveau de l’établissement n’est-elle pas urgente à résoudre. Ne faudrait-il pas accorder plus d’attention effective à la vie syndicale des S1 et à leur rôle, y compris en redéployant une partie de nos forces militantes et moyens d’action entre les différents niveaux du syndicat ? Comment améliorer et repenser l’articulation entre syndicalisme de services et syndicalisme d’action ? Comment mieux tirer profit du travail colossal, pour partie travail invisible et pourtant consommateur d’un temps militant de plus en plus important, accompli par nos élus et représentants dans toutes les instances paritaires ?
Durant ces deux dernières années, le syndicalisme européen a existé essentiellement à travers la CES. Les réseaux qui devaient émerger des forums sociaux n’ont pas assez fait la preuve de leur efficacité. La CES a été active auprès du parlement européen, de la commission mais aussi sous forme de manifestation européenne. Cette activité a donné des résultats sur les questions de compétence européenne notamment la directive service et la directive temps de travail. Par contre, malgré la manifestation sur les salaires à Ljubljana, la CES ne parvient toujours pas à coordonner une action syndicale sur les questions qui relèvent de la compétence des États mais qui sont néanmoins au cœur des concertations des dirigeants européens. Comment renforcer ce syndicalisme européen pour qu’il joue son rôle dans les domaines politiques et économiques commun à tous les États de l’Union Européenne ? La question de l’adhésion de la FSU à la CES se pose si elle veut exister syndicalement en Europe.
Les difficultés sont à peu près identiques pour le SNES au niveau européen. Le SNES est très impliqué au niveau du Comité Syndical Européen de l’Éducation mais celui-ci peine à trouver sa place dans les luttes dans l’éducation. La situation sera encore aggravée si l’Internationale de l’Éducation arrive à ses fins et prive le CSEE de son autonomie. Hors d’Europe, le SNES est engagé dans la grande bataille sur l’Éducation Pour Tous au sein de l’Internationale de l’Éducation et à travers le Comité syndical Francophone de l’Éducation et la Formation sous forme de solidarités avec les autres syndicats, de coopérations concrètes pour le développement syndical et l’amélioration de la situation des personnels. Dans le même temps, le constat international sur ces sujets est alarmant : stagnation voire détérioration de la condition enseignante dans la plupart des pays et constat déjà établi que l’objectif de 2015 de l’EPT ne sera pas atteint dans de nombreux cas. Le SNES peut-il rendre son action internationale plus efficace ? En renforçant ses soutiens aux syndicats en lutte ? En organisant et en participant à des initiatives syndicales régionales ou sous régionales concernant les problèmes des personnels et de l’éducation ? En faisant la promotion du second degré ?
Toutes ces problématiques sont liées à la question de l’articulation des luttes au niveau local et au niveau international. Cela a été un élément déterminant de la demande d’adhésion de la FSU à la CSI, demande qui n’est pas refusée mais qui nécessite des compléments pour le Conseil général de la CSI. La Confédération Syndicale Internationale a fait naître l’espoir que cet axe serait au cœur de l’activité de la nouvelle organisation et que l’action internationale ne se limiterait plus à des concertations avec les institutions internationales du travail, économiques ou financières.
La journée du 7 octobre 2008 sur le travail décent a montré toutes les difficultés de la CSI à engager cette dynamique et pour les organisations nationales à y participer. Le problème n’est pas limité à la France. Le syndicalisme international structuré n’est pas le seul responsable de cet échec. Combien de luttes aux quatre coins du monde ou aux portes de notre pays ne débouchent sur aucune action coordonnée alors qu’elles concernent des problèmes identiques et des responsables communs ? Quelle doit être l’action du SNES pour avancer dans la voie d’une articulation de ces luttes au niveau local et international ? Les décisions de sommet des structures internationales ont fait depuis longtemps la preuve de leur inefficacité. La CSI a proposé une nouvelle politique mais n’a pas changé de mode de fonctionnement. Il faut questionner ce fonctionnement qui laisse peu de place à la majorité des organisations. Comment faire pour que les décisions internationales soient le fait d’un grand nombre d’organisations représentatives ? Peut-on envisager des concertations nationales ? Sous-régionales ?