Aggravation des conditions de service et de rémunération des enseignants

Parce que nos statuts doivent être améliorés

paru le jeudi 26 octobre 2006 , par SNES de Saône-et-Loire

Le Ministère travaille à une refonte du décret de 1950 qui définit nos services. Affectations règlementaires sur plusieurs établissements éloignés, disparition de la plupart des décharges liées à certaines missions ou situations particulières : dans le contexte actuel de casse du service public d’enseignement, ce projet de révision est un véritable casus belli.

 Une question polémique

En 1999, dans un dossier dont le titre « Qui bosse ? Qui bulle ? » exprimait bien le sens de la nuance de ses rédacteurs, Le Nouvel Observateur décernait la palme de la sinécure au professeur certifié exerçant en collège, classé au dernier rang de son « enquête » sur la charge de travail des Français. Et il est clair que depuis, de Claude Allègre à Gilles de Robien, les mensonges ministériels sur l’absentéisme des enseignants ou, tout dernièrement, sur les professeurs sans élèves, n’ont fait qu’apporter de l’eau au moulin de tout ceux qui veulent croire que les profs passent leur temps à ne pas faire grand-chose.

C’est pourquoi nombre d’enseignants évitent d’évoquer la question de leur charge de travail hors de leur milieu professionnel ou de leur cercle familial... Celle-ci, à n’en pas douter, a pourtant suivi au cours des dernières décennies une évolution inverse au mouvement général de Réduction du Temps de Travail, dont d’ailleurs, les enseignants ont été exclu en 1982 (passage aux 39 heures) et en 2000 (passage aux 35 heures).

Pourtant le ministère de l’Education nationale évalue le temps de travail moyen des enseignants à 39 h 47 par semaine et à 20 leur nombre annuel moyen de jours travaillés pendant les vacances scolaires (enquête de la Direction de la programmation et du développement, en 2002).

Cette moyenne cache d’ailleurs d’importantes disparités, liées au corps, à la discipline ou au cycle d’enseignement (collège ou lycée). Mais si ces disparités sont connues et chiffrées, elles posent des problèmes en terme de revendications car elles sont susceptibles de briser les solidarités entre les enseignants. Force est de constater cependant que les décrets qui réglementent actuellement leurs obligations statutaires (les « fameux décrets de 50 ») prennent en compte certaines de ces disparités (à travers par exemple les heures de décharges disciplinaires, en histoire, SVT, sciences physiques... ou l’heure de première chaire).

 Une question d’actualité

Or, ces textes réglementaires subissent actuellement des attaques sans précédent.

Le décret n° 2005-1035 du 26-8-2005 a introduit une forme d’annualisation des services : il permet désormais d’imposer à un enseignant jusqu’à 5 heures supplémentaires hebdomadaires pour le remplacement d’un collègue absent, dans la limite de 60 heures par an (ce qui correspond à un mois de travail supplémentaire pour un agrégé et à trois semaines et demie pour un certifié).

Depuis la session 2006, la bivalence est de fait réintroduite dans certains concours, puisque dans certaines disciplines, les candidats au CAPES peuvent acquérir une « mention complémentaire » censée leur permettre d’enseigner une deuxième discipline, et leur donnant droit à différents avantages en terme de rémunération voire de mutation...

Un projet de décret, actuellement en cours de rédaction, remet en cause, dès la rentrée 2007, l’attribution de l’heure de première chaire, les décharges données pour les laboratoires de SVT, sciences physiques et le cabinet d’histoire.

Ce même projet prévoit la possibilité d’imposer à un personnel du Second Degré un complément de service dans un établissement d’une autre commune, sans limite géographique.

Toutes ces modifications statutaires provoqueront un accroissement de la pénibilité et de la charge de travail des personnels, donc à terme une dégradation de la qualité de l’enseignement dispensé aux élèves. Elles auront aussi parfois des conséquences financières. Elles répondent toutes au même souci : briser le carcan des statuts, incompatible avec une flexibilité rendue indispensable par la restriction massive des moyens accordés au Second Degré.

 Une question de fond

Mais elles traduisent aussi plusieurs tendances lourdes des politiques à l’œuvre depuis plusieurs années dans la Fonction publique et l’Education nationale : remise en cause des qualifications [1], de l’accès à la Fonction publique par concours [2], avec pour corollaires le développement des recrutements par contrat [3] n’offrant aucune garantie statutaire, du recrutement local [4], de la caporalisation des personnels, facilitée par la déconcentration des procédures de gestion de leur mobilité (mutations) et de leur carrière (hors classe). Dans la pratique, certaines catégories de personnels ont déjà fait l’expérience concrète de cette tendance lourde à la remise en cause des statuts : avec la déréglementation imposée aux TZR, ce sont les nouvelles générations de professeurs qu’on a cherché à formater pour qu’elles acceptent de fait la réduction de leurs garanties statutaires.

Celles-ci, fondées sur le recrutement par concours des fonctionnaires, ont été créées pour assurer l’indépendance des serviteurs de l’état et, partant, un égal accès des usagers aux services publics.

La réflexion sur les statuts ne peut donc être déconnectée de celle portant sur les missions du fonctionnaire : pour les enseignants, à la conception d’un simple exécutant entièrement soumis aux injonctions administratives et pédagogiques de son supérieur hiérarchique, le SNES oppose celle d’un concepteur indépendant qui adapte à la réalité locale les pratiques nécessaires pour mettre en œuvre des objectifs définis dans le cadre de programmes nationaux.

 Une question qui a de l’avenir

Il suffit d’écouter les principaux animateurs de la pré-campagne présidentielle pour comprendre que le statut des fonctionnaires et ceux des enseignants subiront dans les années à venir de fortes évolutions. Tel candidat rêve de voir les agents de l’état compléter leur service dans un autre Ministère que celui où ils ont été recrutés. Telle autre candidate reprend le refrain (qu’elle a entonné naguère avec un sinistre chasseur de mamouths) du temps de présence des enseignants dans les établissements, qu’elle semble vouloir porter à 35 heures...

Il est donc clair que ni la majorité en place, ni ses adversaires politiques ne manquent d’idées pour faire évoluer les statuts des fonctionnaires et des enseignants. La frilosité de ces derniers à communiquer et revendiquer sur cette question risque d’ailleurs de leur laisser le champ entièrement libre...

C’est pourquoi celle-ci a fait l’objet de débats nourris dès 2005, lors du dernier congrès académique du SNES. Le mandat d’étude adopté alors à l’initiative des représentants de la Saône-et-Loire, mandatés eux-mêmes par leur bureau départemental, avait un double objectif :
— faire mieux connaître la réalité de la charge de travail des enseignants, relancer de manière offensive les revendications du SNES sur leur temps de travail et mettre en échec les politiques régressives dans ce domaine ;
— lancer la réflexion sur les évolutions statutaires nécessaires pour reconnaître la réalité du métier d’enseignant aujourd’hui, tant en ce qui concerne l’ensemble de ses tâches que les disparités existant dans les conditions de son exercice.

Bruno Himbert (snes71@wanadoo.fr)

Secrétaire départemental du SNES de Saône-et-Loire


Notes

[1Par exemple, le « troisième concours » s’adresse à des candidats au CAPES dispensés des conditions de diplôme parce qu’ils peuvent justifier d’au moins cinq ans d’expérience professionnelle dans le cadre d’un contrat de droit privé ; de même, la réflexion engagée sur le Répertoire Interministériel des Métiers de l’Etat (RIME) remplace le terme de qualifications par celui de compétences.

[2Avec le PACTE, parcours d’accès sans concours à certains emplois de la Fonction Publique.

[3Depuis 2005, on peut être professeur dans l’enseignement public dans le cadre d’un Contrat à Durée Indéterminée.

[4Avec la suppression de la catégorie des MI-SE, les personnels de surveillance sont désormais exclusivement recrutés par le chef d’établissement et la plupart des droits dont bénéficiaient les MI-SE sont dorénavant soumis à son bon vouloir (congés pour examen, par exemple).